Le ministère de l'éducation vient, pour la première fois, de confirmer par écrit la décision de désamianter la totalité du site Jussieu. En réponse à la lettre que nous avons envoyée à F. Bayrou le 12 mars et qui fixait un ultimatum au 2 avril, le directeur de Cabinet du Ministre de l'Éducation nous écrit le 21 mars:
«J'ai moi-même personnellement confirmé aux présidents des universités installées sur le campus la décision prise de désamianter la totalité du site Jussieu. Les travaux prévoient également la mise en sécurité incendie et la mise en conformité des circuits électriques. La maîtrise d'ouvrage de l'ensemble de ces opérations relèvera de l'État, du fait de la dimension des chantiers. Au ministère, des crédits sont d'ores et déjà affectés spécialement à ces travaux.
Dans le numéro de la semaine prochaine du Journal Officiel des Communautés Européennes ainsi que dans le Bulletin Officiel des Marchés Publics va paraître l'appel d'offre pour ordonnancement, pilotage, coordination (OPC) pour la programmation et le pilotage de l'opération de désamiantage du campus de Jussieu.
En outre, je vous signale que les présidents des universités viennent d'être invités à libérer des terrains du campus pour accueillir des locaux provisoires destinés à abriter les activités qui ne pourront pas avoir lieu dans les salles en cours de désamiantage.»
Cette première victoire est le fruit de l'action énergique menée ces dernières semaines. Nous devons continuer pour obtenir un engagement sur un calendrier et un plan de financement précis.
Pour obtenir un calendrier des travaux le plus court possible,
L'ACTION MENÉE PAR LE COMITÉ ANTI-AMIANTE.
Depuis sa création, il y a un an et demi, le Comité Anti
Amiante Jussieu a toujours privilégié le travail de fond
et la concertation. Plutôt que de chercher à condamner les errements
passés de certains responsables, nous nous sommes
attachés à convaincre tout le monde de rechercher les solutions
les meilleures pour le présent et le futur, avec le seul souci
d'éviter que des personnes soient plus longtemps mises en
danger. Ce fut notre attitude sur le campus comme au plan national,
où nous avons activement participé à l'élaboration de la
réglementation, par des propositions concrètes dont un
grand nombre ont été retenues.
Mais deux mois après la remise du rapport, nous nous sommes
heurtés à une évidente volonté de faire traîner
au maximum les décisions. Face aux tergiversations et aux
manoeuvres à tous les niveaux, les arguments raisonnables ne
suffisaient manifestement plus. Il était donc nécessaire
de taper du poing sur la table et de mettre tous les responsables
face à leurs responsabilités. C'est ainsi que nous avons
décidé, début février, de fixer une date
butoir pour les décisions de travaux, accompagnée de
menaces claires et précises, pour le cas où les
décisions ne seraient pas prises:
Nous avons proposé à la mi-février à tous les syndicats
de participer à cette action. Il s'en est suivi des discussions
intenses, où chacun a dû clarifier ses positions. Les projets
arrivèrent aux oreilles des responsables et une agitation
exceptionnelle gagna les centres de décision, confinant
quelquefois à la panique. Nous avions touché un point sensible:
la position de responsable n'est pas seulement honorifique ! Le 11 mars, nous sommes passés à
l'action avec plusieurs syndicats du campus : nous avons
adressé un ultimatum au ministre et demandé aux
présidents de faire procéder à la fermeture du campus à
partir du 2 avril 1996, dans le cas où les décisions de travaux
ne seraient pas prises.
CE QUE NOUS AVONS OBTENU.
L'action menée a permis de débloquer la situation et contraint les responsables, tant au niveau du ministère qu'à celui des universités, à prendre des décisions. En quelques jours, le ministère a:
Les universités ne furent pas en reste, et des décisions en souffrance depuis des mois furent prises:
Cette avalanche de décisions ne doit cependant pas faire
illusion.
Le risque, c'est que le ministère fasse traîner le chantier
pendant des années et c'est pourquoi il faut obtenir un
calendrier précis. Bien des pièges sont encore sur
notre chemin, à commencer par les grandes manoeuvres autour de
l'opération de désamiantage: ceux qui ne se sont jamais
préoccupé d'amiante auparavant sont soudain pris d'une
agitation fébrile.
LES PROJETS DE DÉMÉNAGEMENT.
Dans une lettre du 19 mars, le président de l'Université
Paris 7 confirme qu'il «défend
personnellement» le projet de déménagement
de l'université et affirme que ce projet n'a été
conçu que dans le cadre du désamiantage du campus et que «son intérêt premier est de faciliter et
d'accélérer la réalisation du
chantier». Cet argument ne tient pas: ce projet ne
peut en aucun cas accélérer le désamiantage du
campus. Pour construire une nouvelle université il faudrait
au moins 5 ans, et l'hypothèse envisagée de construire
cette université autour d'un bâtiment existant dont la surface
correspondrait aux locaux tampons nécessaires, i.e. environ 30
000m2 , ne change pas fondamentalement les données du
problème. Acheter un bâtiment de cette taille et le
rénover pour qu'il puisse servir pour une université
prendrait déjà environ 3 ans (il faut en effet ne pas oublier
les temps incompressibles des procédures
administratives). Quant à savoir, qui accepterait de
déménager (définitivement) dans un tel bâtiment,
sans être sûr que l'université sera bien construite autour, la
question est ouverte.
Nous maintenons qu' il faut absolument séparer
déménagement et désamiantage. Quant au
projet de déménagement, il doit être discuté pour
ce qu'il est, et non sous couvert de désamiantage. Il est
quand-même stupéfiant, que des présidents
d'université aient pu proposer, dans le secret, au
ministère, en utilisant le prétexte du
désamiantage, le démantèlement du plus grand
campus scientifique de France, sans aucune discussion avec les
intéressés: personnels, laboratoires, UFR, etc. Ce
projet pose d'énormes problèmes, dont la solution n'a
même pas été envisagée: bibliothèques
communes, équipements communs, laboratoires communs, etc. Il
comporte aussi de nombreux risques. Un déménagement
avant que la nouvelle construction soit terminée, pourrait
conduire à un éclatement de Paris 7. Quant aux locaux
libérés par Paris 7 sur le campus, Le ministère
exclut qu'ils reviennent à Paris 6 : ils seraient dans ce cas
utilisés par les autres universités parisiennes qui
manquent cruellement de locaux.
LES SOLUTIONS RAISONNABLES.
Il y a bien d'autres solutions au désamiantage que le
démantèlement du campus. Nous avons demandé au
ministère d' étudier toutes les solutions
techniques sans a priori, en particulier une solution mixte,
mêlant sur le campus locaux provisoires et construction. Dans un
premier temps on utiliserait des locaux provisoires installés
sur le campus pour traiter les parties ne comportant pas
d'installations complexes (il est en effet plus simple d'utiliser
pendant 3 mois des locaux provisoires sur le site que de
déménager dans des locaux en dur ailleurs dans Paris).
Parallèlement, on construirait les "barres" manquantes du
campus, qui serviraient dans un deuxième temps pour le
désamiantage des parties comportant des installations
complexes. Le ministère nous a indiqué que
c'était l'une des solutions qu'il étudiait
actuellement.
Ce qui importe, c'est que toutes les solutions fassent d'abord
l'objet d'études techniques sérieuses: coût,
durée et impact sur le fonctionnement des universités et
que ces études soient rendues publiques. Ce n'est que sur cette
base qu'il peut y avoir une décision objective, au delà des
manoeuvres diverses.