Comité Anti-Amiante Jussieu: période Allégre, revue de presse

Michel DELBERGHE
Le Monde
4 décembre 1998

Le gouvernement peine à engager le désamiantage de Jussieu

Serait-il donc plus facile d'envoyer une fusée Ariane 5 sur Mars en l'an 2005 que de résoudre le casse-tête du désamiantage du campus scientifique de Jussieu et de la rénovation des universités parisiennes ? Inscrite parmi les priorités du schéma des universités du troisième millénaire (U3M), l'élaboration de ce plan qui concerne en premier lieu les deux universités de Paris-VI, Paris-VII et l'Institut de physique du globe (IPG) – soit au total quarante mille étudiants et dix mille chercheurs, enseignants et personnels – se heurte à une série de difficultés que le gouvernement peine à résoudre.

La réunion interministérielle du mardi 1er décembre, à Matignon, s'est, de nouveau, soldée par un report de décisions sur des échéances qui se révèlent pourtant de plus en plus urgentes. Alors que les opérations de désamiantage des trois premières barres de Jussieu devraient débuter dans les prochaines semaines, aucune solution n'est encore retenue pour continuer le chantier au-delà de l'an 2000.

Plusieurs scénarios ont pourtant été échafaudés par le groupe de travail réuni autour du recteur René Blanchet. L'un d'eux avait même été retenu par Claude Allègre. Au cours de sa dernière conférence de presse, lundi 30 novembre, le ministre de l'éducation nationale a ainsi annoncé le principe du transfert de l'université Paris-VII sur la ZAC Rive gauche, près de la Bibliothèque de France. En guise de démarrage, un programme de construction de 40 000 mètres carrés destinés à accueillir de « gros » laboratoires était envisagé pour l'an 2001. Ce déménagement aurait ainsi permis de poursuivre le désamiantage à un rythme plus soutenu. Bien que les négociations financières avec la Mairie de Paris sur le coût des terrains n'aient toujours pas été en gagées, des discussions officieuses et des déclarations d'intention pouvaient laisser espérer une issue favorable.

Ce schéma a été partiellement remis en cause par le ministère des finances. Inquiet des conséquences budgétaires du désamiantage et de la remise aux normes de sécurité du campus évaluée désormais à près de 4 milliards de francs, il s'interroge sur la suite du programme d'implantation d'un nouveau site universitaire sur la ZAC Rive gauche. Pour l'heure, 130 000 mètres carrés ont été réservés par les responsables de l'aménagement de ce nouveau quartier. Ils s'avèrent de toute évidence insuffisants pour recevoir les candidats potentiels déclarés : l'université Paris-VII, mais aussi Paris-III (Censier), l'Institut de physique du globe et l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) toujours à la recherche d'un site de regroupement de ses activités.

Bien que déclarée prioritaire, la demande de ces établissements ne saurait faire oublier les besoins exprimés par les autres universités parisiennes, elles aussi confrontées à la dispersion de leurs sites comme à l'exigence de mise aux normes de sécurité de leurs bâtiments. De nouvelles études ont été engagées pour trouver des es paces disponibles, notamment au nord de Paris, du côté de La Villette.

UN PROGRAMME GIGANTESQUE

L'avenir des universités parisiennes ne saurait enfin se décider sans une réflexion étendue à l'ensemble de l'Ile-de-France. Un groupe « stratégique », présidé par Jean-Jacques Payan, ancien directeur de la recherche, devrait remettre ses conclusions dans le courant du mois de janvier 1999. Elles devront prendre en compte une analyse de l'offre de forma tion en Ile-de-France, un éventuel « remembrement » des universités parisiennes, la répartition des activités de recherche notamment dans les universités nouvelles (Cergy, Evry, Marne-la-Vallée et Versailles-Saint-Quentin), mais aussi la rénovation ou l'extension de Saint-Denis (Paris-VIII), Nan terre (Paris-X), Orsay (Paris-XI), Créteil (Paris-XII) et Villetaneuse (Paris-XIII).

Autant dire un programme gigantesque étalé sur une dizaine d'années au minimum. Même si les collectivités locales (la région, les départements et la Ville de Paris) y sont associées, cette perspective a de quoi inquiéter les financiers de Bercy qui attendent un plan global pour donner leur feu vert au démarrage de la moindre opération.

Ces atermoiements ont réveillé les impatiences du Comité anti-amiante de Jussieu. « Deux ans après l'engagement de l'Etat et la signature, en décembre 1996, d'un plan de désamiantage en trois ans du campus, aucune fibre n'a tou jours pas été enlevée », relève-t-il dans une lettre adressée le 23 novembre au premier ministre, Lionel Jospin. Lui rappelant ses engagements lors de la campagne des législatives, il lui demande « de prendre en charge directement le dossier du désamiantage », en dénonçant l'absence de volonté politique, la « course de lenteur » et les obstacles à l'accélération du chantier.