Comité Anti-Amiante Jussieu: période Allégre, revue de presse

Le Canard enchaîné
28 octobre 1998

Jospin redoute d'être empoisonné par l'amiante

LIONEL JOSPIN, qui, en ce moment, ne manque pas vraiment de sujets de contrariété, vient de s'en trouver un nouveau, et de taille: l'amiante. Depuis quelque temps, un petit groupe de scientifiques et de juristes planchent, à Matignon et sous la houlette du directeur de cabinet, Olivier Schrameck, sur les possibles développements d'une « affaire de l'air contaminé ».

À l'origine des inquiétudes de Yoyo, la multiplication des procédures engagées par des travailleurs de l'amiante contre leur employeur: plus de 500 en cours ! Certaines plaintes, déposées à Paris, à Saint-Nazaire, à Dunkerque ou à Condé-sur-Noireau (Calvados), sont entre les mains de juges d'instruction.

Premières questions auxquelles le groupe « d'études » tente de répondre: informés, depuis plus de vingt ans, des risques liés à ces fibres cancérigènes, les hommes politiques pourraient-ils être mis en cause ? Remonterait-on alors jusqu'aux ministres de la Santé, de l'Industrie ou... de l'Education nationale ?

Chargé, de 1988 à 1992, de ce dernier portefeuille, Jospin avait autorité sur la fac de Jussieu, premier site amianté d Europe. Et il n'a, pas plus que ses prédécesseurs et que la plupart de ses successeurs, fait entreprendre de travaux de sécurité.

Fac similaire

Selon l'un de ses proches, l'hypothèse d'une mise en cause de sa responsabilité taraude sérieusement le Premier ministre. Et elle pourrait concerner aussi Claude Allègre, son remplaçant à l'Éducation. Bras droit de Jospin à l'époque, Allègre connaissait bien Jussieu pour y avoir enseigné, notamment à l'Institut de physique du globe. Et il a fait, en 1996, des sorties très remarquées contre la « psychose » (sic) de l'amiante.

Aujourd'hui, le tandem Jospin-Allègre est tout près de partager cette « psychose ». Surtout à propos de Jussieu. Sur les 38 bâtiments que compte l'université, un seul a été évacué et « confiné ». Mais pas encore nettoyé. Au point que le groupe d'experts mandaté par Matignon étudie des solutions pour montrer que le dossier est pris au sérieux. Jusqu'à proposer une fermeture pure et simple du campus. Il y a deux ans, Jacques Chirac avait annoncé, texte, qu'il n'y aurait «plus un seul étudiant à Jussieu avant la fin de l'année ». On sait ce qu'il en a été.

En tout cas, la subite prise de conscience, au sommet, des dangers de l'amiante a des conséquences palpables. En juillet dernier, le rapport du professeur Claude Got recommandait une meilleure reconnaissance des maladies professionnelles dues à ce matériau. Et, le 3 octobre, Martine Aubry a publiquement repris ses conclusions, annonçant des mesures pour faciliter cette reconnaissance et l'indemnisation des malades.

Pour solde de tout compte ?