Comité Anti-Amiante Jussieu: Allègre au Sénat (03/02/98)

Comité Anti-Amiante Jussieu
Information - février 1998

ALLÈGRE au SÉNAT

Le mardi 3 février 1998, Claude Allègre répond au Sénat à une question de Nicole Borvo.

Il y a quelques nouveautés, par rapport à ses prises de positions précédentes, dans les propos de Claude Allègre.

  1. Il reconnaît que "le problème de l'amiante constitue l'un des problèmes majeurs de la sécurité à Jussieu". Il ne déclare plus, comme il l'avait fait dans le Parisien 3-7-97, que "le désamiantage est une bêtise", mais se place dans la perspective du désamiantage.

    Paradoxalement, il continue pourtant d'affirmer les contrevérités habituelles, qui devraient logiquement le conduire à refuser de faire le désamiantage de Jussieu: comment par exemple continuer d'affirmer qu'on ne sait pas par quoi remplacer l'amiante pour assurer la sécurité incendie, quand on s'apprête à retirer l'amiante ?

  2. Le désamiantage et la mise en sécurité sont abordés en tant que tels. Il n'est question ni de réorganisation des universités parisiennes, ni de déménagement d'université, ni de ZAC Tolbiac auxquels les travaux seraient suspendus. En revanche, un "plan d'achèvement du campus" est annoncé, ce qui pourrait constituer un changement de cap.

Les actions menées - et en particulier les plaintes - ne sont pas pour rien dans ce nouveau positionnement. Toutefois, il ne faut pas se faire des illusions: si C. Allègre est manifestement très préoccupé de montrer qu'il va faire rapidement le désamiantage, il semble beaucoup moins préoccupé de le faire réellement. Le démarrage des travaux de désamiantage évoqué avec insistance, ne concerne toujours qu'une "barre" (i.e. moins de 3% du campus) pour l'année 1998. Il ne manifeste aucune intention de fournir les moyens qui figurent dans le contrat de désamiantage signé en décembre 1996.

Les déclarations de Claude Allègre contenant un nombre impressionnant de contrevérités, nous avons ajouté à chaque fois un commentaire assez détaillé dans le texte, pour les personnes intéressées (les lignes de commentaire sont précédées du caractère *).


Compte rendu officiel (publié au JO) de la réponse de Claude Allègre à une question de Nicole Borvo au Sénat, le mardi 3 février 1998.

M. le président. La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 129, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, le campus de Jussieu, qui n'a rien d'un campus à l'américaine, avec ses 220 000 mètres carrés de locaux et près de 50 000 usagers et personnels est l'un des plus grands ensembles contaminés par l'amiante.

Comme chacun le sait, le lien entre l'amiante et le cancer du poumon est connu depuis 1935, prouvé depuis 1955. On sait que des maladies non cancéreuses sont également provoquées par l'amiante.

L'examen des surfaces floquées effectué en novembre 1995 révèle que, partout, le flocage est en état de dégradation avancée à Jussieu et que les mesures de protection contre la dissémination des fibres d'amiante ne sont, à quelques rares exceptions près, ni suffisantes ni satisfaisantes. Il en est conclu un risque de dissémination des fibres d'amiante très élevé dans la quasi-totalité des locaux et une recommandation de retrait global et rapide de l'amiante.

Des mesures d'urgence ont été prises telles que la pose de films plastiques sur les faux plafonds, mais elles ont un caractère extrêmement provisoire.

Il a fallu, comme vous le savez, de longues années d'actions en faveur de la sécurité et de la santé des nombreux personnels et usagers du campus pour obliger le gouvernement précédent à signer avec les établissements en décembre 1996 un contrat de désamiantage et de mise en sécurité.

Pour la première fois depuis vingt ans que dure l'affaire de l'amiante à Jussieu, les impératifs de santé publique semblaient prendre le dessus.

Le contrat prévoyait le désamiantage complet du site, la mise à disposition de locaux provisoires - 41 000 mètres carrés à Gentilly dans un bâtiment du CEA, et sur le campus lui-même - et la création de l'établissement public du campus de Jussieu, chargé de conduire les travaux.

D'ailleurs, le Gouvernement posera la première pierre du plus grand chantier de désamiantage d'Europe en mettant à disposition, en avril 1998, 6 000 mètres carrés de bâtiments industrialisés ; 9 000 mètres carrés de bureaux en préfabriqué sont en cours d'aménagement.

Cependant, l'ampleur de la tâche - il s'agit, comme je l'ai dit, de 220 000 mètres carrés - impose de mettre à disposition les 41 000 mètres carrés prévus pour donner les moyens à l'établissement public de Jussieu de mener à bien l'ensemble du chantier tout en garantissant la continuité des activités d'enseignement et de recherche.

L'absence de moyens en locaux provisoires conduit l'établissement public à imposer aux laboratoires des conditions qu'ils ne sont pas en mesure de supporter. C'est le cas, par exemple, des informaticiens de Paris-VI que l'établissement public voudrait transférer pour une durée indéterminée dans des locaux de bureaux éloignés, les coupant ainsi de l'enseignement.

En outre, les personnels concernés, notamment au travers de l'intersyndicale et du comité anti-amiante de Jussieu, estiment que les personnels, usagers et syndicats sont sous-représentés au comité consultatif de l'établissement public.

L'accélération de la mise en place du chantier décidée en septembre 1996 nécessite une concertation, nous semble-t-il, avec tous les intéressés.

Aussi, monsieur le ministre - je sais que vous connaissez bien le problème -, je souhaiterais que vous nous disiez comment le Gouvernement compte s'y prendre et comment les choses vont pouvoir être accélérées.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Madame le sénateur, je ferai d'abord deux remarques préliminaires qui me paraissent importantes pour la représentation nationale.

Première remarque, je crois que les confusions n'épargnent pas les organes de presse. Or il est important de distinguer les faits établis sur la toxicité de l'amiante - qui ne sont pas discutables lorsqu'il est à forte dose - et les faits résultant des faibles taux.

C'est d'ailleurs pour établir cette différence que le Gouvernement, en la personne de mon collègue, M. le secrétaire d'Etat à la santé, a nommé un expert chargé de faire la lumière sur ce point. Je ne voudrais pas qu'on utilise les arguments et les tragédies de l'amiante à haute dose pour évoquer les problèmes de l'amiante à faible dose.

COMMENTAIRE:
La mission de Claude Got, qui doit remettre son rapport au mois d'avril, n'est absolument pas d'émettre un avis sur la toxicité de l'amiante à faible dose, sujet qui a été traité dans le rapport d'expertise de l'INSERM (dont C. Allègre a vainement essayé d'empêcher la parution).
Sa mission, définie dans une lettre de B. Kouchner et M. Aubry en date du 24 décembre 1997, consiste à proposer des améliorations concernant la réglementation en matière de prévention (en tenant compte des travaux scientifiques existants) et les procédures de reconnaissance en maladies professionnelles des victimes de l'amiante.
La lettre de mission insiste, à l'opposé de ce que prétend C. Allègre, pour que "face à ce problème de santé publique, le principe de précaution soit appliqué dans toute sa rigueur". Rappelons que le principe de précaution, pierre angulaire des politiques de santé publique, n'est pour C. Allègre qu'une "expression fourre-tout" (interview au Figaro du 26-12-96 sous le titre "Claude Allègre: le refus du risque, voilà l'ennemi!").

En effet, ce que je vais vous dire maintenant va peut-être vous surprendre : dans l'état actuel des choses, le taux d'amiante dans les rues de Paris est supérieur à ce qu'il est dans bien des couloirs du campus de Jussieu. Cette affirmation découle de faits mesurés.

COMMENTAIRE:
Nous ne sommes pas surpris. Tous les défenseurs de l'industrie de l'amiante prétendaient qu'il n'y avait pas plus d'amiante dans les couloirs de Jussieu que dans les rues de Paris. La seule nouveauté est que C. Allègre prend quelques précautions et rajoute des bémols -- "dans l'état actuel des choses" et "dans bien des couloirs" (ceux qui sont concernés par l'état précédent ou le couloir d'à côté apprécieront) -- qui permettent à son affirmation d'avoir une interprétation défendable, alors qu'elle induit chez le lecteur une conclusion fausse.
Avant de discuter du sens et de la véracité de l'affirmation de C. Allègre, on se permettra une petite remarque. C. Allègre se garde bien de mentionner d'où il sort ses "faits mesurés". Il faut dire que le simple énoncé du contexte en dit long sur la déontologie des acteurs. L'affirmation de Claude Allègre provient en effet d'un rapport officiel que lui a remis ... le directeur de l'IPGP, Vincent Courtillot (précisions: l'IPGP est l'un des 3 établissements du campus Jussieu; C. Allegre est lui-même membre de l'IPGP dont il fut le directeur pendant 10 ans; V. Courtillot est à la fois directeur de l'IPGP et conseiller spécial de Claude Allègre au ministère, en charge de l'Enseignement Supérieur et en particulier de ... Jussieu). La déontologie en matière d'expertise (a fortiori quand elle concerne des problèmes de santé publique) veut que l'expertise soit indépendante. Le rapport en question illustre lui de manière caricaturale la confusion des rôles.
L'affirmation de C. Allègre repose sur cette étude où l'on a mesuré le taux d'amiante en 8 points de l'IPGP, juste après les travaux d'urgence consistant à obturer les faux-plafonds par un film plastique et à dépoussiérer les locaux. Nous ne contestons pas les taux mesurés qui sont très faibles. Nous contestons en revanche le sens qui leur est attribué. La seule chose qu'on devrait en conclure concerne l'efficacité des travaux d'urgence (sur une très courte période, dans quelques lieux particuliers) et non la pollution par l'amiante à Jussieu qui est un phénomène autrement plus complexe. Il faut rappeler que les travaux d'urgence sont par nature éminemment provisoires.
L'affirmation de C. Allègre est au mieux un mensonge par omission. En effet, ce qui est en cause dans un bâtiment comme Jussieu, ce n'est pas tant le fond de pollution (encore moins le fond de pollution après les travaux d'urgence), que la pollution engendrée par les activités, en particulier celles concernant l'entretien courant des locaux et installations, qui se font a proximité directe des flocages d'amiante (électricité, câblage informatique, chauffage, fluides divers, etc.). Les mesures faites depuis plusieurs années sur chacune de ces activités indiquent des taux d'amiante qui vont de 100 fois à 100 000 fois les taux relevés dans les rues de Paris! Pour éviter cette pollution, il faut respecter des consignes strictes: confinement de la zone avant intervention, port de la combinaison et du masque avec assistance respiratoire pour les intervenants, dépoussiérage de la zone en fin d'intervention. La question est de savoir combien de temps ces mesures de sécurité, qui sont indispensables tant que l'amiante reste en place, mais extrêmement contraignantes et pénalisantes pour le fonctionnement des services et des laboratoires, seront effectivement appliquées. Un rapport rédigé par un expert du tribunal administratif de Paris a montré qu'en novembre dernier déjà elles n'étaient pas partout respectées...

Seconde remarque, 230 000 mètres carrés des 320 000 mètres carrés du campus de Jussieu ont été traités avec de l'amiante et ont été mal entretenus depuis l'origine. Le campus de Jussieu accueille plus de 50 000 personnels et étudiants. C'est le plus grand de France, non seulement en termes d'étudiants mais également en nombre de laboratoires de recherche.

Il est donc hors de question d'affaiblir le potentiel d'éducation et de recherche français en prenant des mesures inspirées d'un certain nombre de propositions fantaisistes annoncées dans le passé. J'y reviendrai.

En outre, sachez que je suis très soucieux de l'autonomie des universités. Par conséquent, les dialogues qui ont lieu dans ce domaine s'effectuent avec les conseils élus des universités où les personnels sont représentés - ils sont même majoritaires - et sûrement pas avec des comités autoproclamés qui ne représentent véritablement ni les syndicats, ni les personnels. C'est là un point très clair.

Au mois de juin dernier, nous nous sommes enquis du problème de la sécurité de Jussieu, non seulement du problème de l'amiante, que vous soulevez, madame le sénateur, mais aussi, malheureusement - comme je le dis depuis de nombreuses années - de la mise en sécurité du campus de Jussieu dans tous les domaines.

COMMENTAIRE:
"Au mois de juin dernier", il n'y avait plus à s'enquérir ni du "problème de l'amiante", ni du "problème la sécurité". Heureusement d'autres s'en étaient enquis avant et avaient même décidé des solutions! Le diagnostic et l'étude de faisabilité des travaux en matière de traitement de l'amiante, de sécurité incendie et de sécurité électrique, date du 23 novembre 1995. Le plan de désamiantage et de mise en sécurité avait été annoncé en septembre 1996
En outre, on ne trouve aucune trace du souci en matière de sécurité, que C. Allègre aurait eu "depuis de nombreuses années". Bien au contraire! Ce n'est qu'après la décision de désamiantage de Jussieu, que C. Allègre s'est exprimé sur le sujet. Et seulement pour essayer de remettre en cause le désamiantage, en opposant sécurité incendie et désamiantage (Le Point, 19-10-96), alors que pour des raisons techniques évidentes la mise en sécurité du campus ne peut se faire qu'en procédant préalablement au désamiantage.
En fait, la mise en sécurité ne semble jamais avoir été au centre des préoccupations de Claude Allègre. Lorsqu'il était conseiller spécial de Lionel Jospin au ministère de l'Education de 1988 à 1992, on s'est contenté de repeindre les parties visibles de Jussieu. Pourtant, ayant été directeur de l'IPGP pendant 10 ans, il ne pouvait ignorer le problème de la sécurité incendie comme de l'amiante, qui étaient dénoncé dans plusieurs rapports officiels.
On peut d'ailleurs ajouter qu'à l'IPGP même, certaines règles élémentaires en matière de sécurité incendie sont délibérément bafouées. Exemple: portes à mi-couloir condamnées qui interdisent l'évacuation des personnes en cas d'incendie. Voici ce que l'expert du tribunal administratif, qui a fait un constat d'urgence à notre demande, écrit concernant le "dégagement 14-15, coté 14 (IPGP)": "Encombrement du dégagement par divers matériels lesquels sont également entassés contre la porte d'intercommunication avec le centre de formation de Paris VI, cette porte étant irrémédiablement condamnée car soudée à son bâti".

Le problème du remplacement de l'amiante par un autre produit n'est pas réglé. Or, il faut le savoir, Jussieu subit deux ou trois incendies chaque année.

COMMENTAIRE:
On sait bien évidemment et depuis fort longtemps par quoi remplacer les flocages d'amiante pour la protection incendie des structures métalliques. Heureusement d'ailleurs, puisque l'amiante est interdit depuis 1978 pour ce type d'application! En fait, de très nombreux produits fibreux et non fibreux existent sur le marché (depuis le début des années 50 pour les produits fibreux; depuis le début des années 70 pour les produit non fibreux). Pour le chantier pilote réalisé l'année dernière dans les locaux du GPS, le produit utilisé était un mélange de vermiculite et de ciment qui convient très bien. Ce type de produit non fibreux est utilisé depuis déjà 25 ans en France.
En outre le fait qu'il y ait effectivement plusieurs incendies chaque année pose le problème exactement inverse de celui énoncé par C. Allègre. Tous les rapports montrent que la protection incendie n'est pas actuellement correctement assurée à Jussieu. Pour l'assurer, il est nécessaire de retirer l'amiante et de le remplacer par un revêtement assurant le degré coupe-feu nécessaire.

Un plan de désamiantage avait été annoncé au mois de décembre 1996, avant mon arrivée au ministère. Ce plan comportait deux volets.

Le premier présentait des mesures d'urgence destinées à isoler l'amiante présent sur le campus de Jussieu. Il a été achevé cet été, et les très nombreuses mesures effectuées sur le site - plus de 500 au deuxième semestre de 1997 - montrent que le taux de fibres présentes dans l'air est à l'heure actuelle inférieur aux exigences de la réglementation, voire, je le disais tout à l'heure, inférieur à celui que l'on peut constater dans beaucoup de rues de Paris.

Le deuxième volet comprenait une déclaration sur le désamiantage, qui n'était assortie d'aucun dispositif opérationnel. Un établissement public avait certes été créé pour assurer cette mission, son statut avait été publié le 17 avril 1997 et son président nommé le 30 avril - je précise que ces dispositions ont été prises par le précédent ministre de l'éducation nationale, et que je me trouve donc dans l'obligation d'appliquer la loi, sauf à en faire voter une autre - pour autant l'établissement était une coquille vide !

Qu'avons-nous fait et où en sommes-nous aujourd'hui ?

L'établissement public a été créé et il fonctionne. Il a recruté un directeur et une dizaine d'agents, bientôt quinze. Il a été doté d'un budget - car il n'en n'avait pas ! - de 240 millions de francs. Son conseil d'administration, constitué conformément à la loi, s'est réuni quatre fois.

Le plan de mise en sécurité de Jussieu est maintenant défini. Les études complémentaires sont en cours, en liaison avec les universités du site pour arrêter le plan d'achèvement du campus - car, de surcroît, ce campus n'a jamais été terminé - et pour préciser la relocalisation des activités sur le site après les travaux de sécurité.

Quinze mille mètres carrés de locaux supplémentaires seront livrés dans les prochains jours, ce qui permettra les premiers déménagements, d'ici au mois d'avril, afin de commencer dès cette date les travaux proprement dits de désamiantage et de mise en sécurité, pour lesquels tous les marchés sont passés.

COMMENTAIRE:
On a dans ce paragraphe une accumulation d'approximations qui donnent un idée complètement fausse de la situation.
Les quinze mille mètres carrés de locaux qualifiés de "supplémentaires" sont ceux lancés il y a un an (CEA et bâtiments industrialisés en construction sous la responsabilité de paris 6). Ils ne seront pas livrés "dans les prochains jours", mais "dans les prochains mois" -- au mieux en avril, selon les prévisions officielles (notons que l'immeuble du CEA est loué depuis près d'un an, et que les aménagements auraient dû être faits depuis longtemps).
Les "premiers déménagements" n'auront pas vraiment lieu "d'ici au mois d'avril": l'établissement public prévoit officiellement qu'ils commenceront seulement à la fin avril. Les travaux ne commenceront certainement pas "dès cette date"(i.e. avril): l'établissement public prévoit officiellement qu'il commenceront en juillet 98.
Les marchés concernant les "travaux de désamiantage et de mise en sécurité" n'ont pas été "passés". Ils en sont même loin, puisque les appels d'offre n'ont même pas été lancés! (il faut compter au minimum 4 mois -- et souvent plus de 5 mois -- entre le début de la procédure d'appel d'offre et la passation du marché).
A cela il faut ajouter une omission de taille: les travaux de désamiantage qui sont prévus pour commencer en 1998 ne concernent qu'une seule barre (la barre 65-66), c'est à dire moins de 3% des surfaces à désamianter. Le reste du calendrier est toujours en cours d'élaboration ....

Nous n'avons aucune intention d'effectuer le désamiantage de Jussieu comme celui de l'immeuble des Communautés européennes qui a pollué tout le quartier et qui, de plus, a fait que le Berlaymont ne sera pas utilisable avant 2003 ou 2004.

COMMENTAIRE:
Il n'y a actuellement aucune donnée permettant d'affirmer que le désamiantage du Berlaymont "a pollué tout le quartier".
En revanche ce qui ne fait pas de doute, c'est que le désamiantage du Berlaymont a été mal fait. Avec une conséquence avérée très grave, qui ne concerne pas le quartier, mais les ouvriers à l'intérieur du chantier: les procédures n'ont pas été correctement appliquées et les ouvriers ont été exposés aux poussières d'amiante.
Au Berlaymont, il y avait un double problème:
-- des difficultés techniques importantes: contrairement à Jussieu où l'amiante est présent uniquement sur les structures métalliques directement accessibles, au Berlaymont il y avait de l'amiante absolument partout, y compris dans des endroits inaccessibles;
-- une organisation complètement déficiente: il n'y avait pas de véritable maître d'oeuvre pour coordonner et surveiller le chantier. Plusieurs entreprises, avec chacune des sous-traitants, livrées à elles-mêmes, cohabitaient sur des chantiers qui n'étaient pas séparés, avec des ouvriers parlant une multitude de langues différentes. En l'absence d'organisation et de contrôle, les manquements à la sécurité (concernant les ouvriers et l'environnement) se sont multipliés à mesure que s'installait le laisser-aller. Pour remédier à cette situation un "maître d'oeuvre" (la société Technip, qui est déjà le maître d'oeuvre du chantier Jussieu) a été engagé et chargé d'abord de faire un rapport, puis de remettre les choses en ordre. Il semble qu'il y soit parvenu.
Les déficiences dans l'organisation du chantier et les manquements à la sécurité sont décrits en détail dans le rapport de la société Technip. Une expertise indépendante est par ailleurs en cours qui devrait dire en particulier s'il y a eu une pollution aux abords du chantier. Extraits du rapport Technip présentés par la revue "Incidences", Belgique.

Nous avons donc décidé de faire preuve d'une grande rigueur de manière que le remède ne soit pas plus terrible que le mal.

Le calendrier des travaux annoncé est donc tenu. Nous continuerons à développer et à achever le site de Jussieu, en mettant l'ensemble des locaux aux normes de sécurité telles qu'elles sont définies par la loi sans qu'aucun enseignement ne soit perturbé et sans qu'aucun laboratoire n'ait à déménager plus d'une fois, et non pas deux ou trois fois.

COMMENTAIRE:
Ceci est en contradiction formelle avec les projets actuels (et officiels) de l'établissement public consistant à envoyer les laboratoires d'informatique, mécanique et mathématiques pendant 3 ans dans les locaux du CEA et à Chevaleret. Doit-on comprendre qu'ils ne reviendront jamais ou que dans l'esprit de C. Allègre, ce ne sont pas des laboratoires?

Ce que j'ai entendu dans certaines occasions me donnait à penser que l'on ne se rendait pas bien compte de ce qu'était un laboratoire scientifique expérimental. On me parlait de les expédier, ici ou là, dans les locaux préfabriqués, ce qui aurait tué un potentiel scientifique considérable.

COMMENTAIRE:
Personne n'a jamais proposé, à notre connaissance, d'installer "les" laboratoires expérimentaux dans des préfabriqués. En revanche l'installation de préfabriqués à usage de bureaux sur le campus, comme nous le demandions, aurait grandement simplifié les choses, y compris pour certains laboratoires expérimentaux. L'installation de préfabriqués sur le campus est d'ailleurs de nouveau envisagée par l'établissement public ...

Par conséquent, sécurité, intérêt des étudiants, intérêt des chercheurs, tout sera respecté, mais dans une rigueur et une logique scientifique qui n'ont rien à voir avec le tapage de certains, qui souhaitent se faire des notoriétés de mauvais aloi.

Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à Mme Borvo.

Mme Nicole Borvo. J'ai pris bonne note de ce que vous venez de dire, monsieur le ministre. Je souhaite cependant souligner que le comité anti-amiante et d'autres organisations présentes sur le campus de Jussieu ont eu le mérite de faire prendre conscience de la gravité du problème posé par l'amiante.

Certes, les mesures ont été prises par le gouvernement précédent, mais, il faut bien le reconnaître, sans son action, peut-être la gravité de la situation ne serait-elle pas prise en compte aujourd'hui.

Vous vous dites soucieux de respecter l'autonomie des universités. Certes, mais l'Etat doit assumer ses responsabilités !

M. le Premier ministre s'est d'ailleurs engagé, vous le savez, à ce que le désamiantage du campus se déroule dans de bonnes conditions.

J'ai entendu ce que vous venez de dire, monsieur le ministre, mais je crois que les personnels, les chercheurs jugeront sur pièces ce qu'il en sera du déménagement de leurs laboratoires.

Par ailleurs, selon moi, on ne peut pas considérer qu'il s'agit là d'un problème mineur, d'autant que la question des locaux de substitution temporaires reste entière.

M. Claude Allègre,ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Claude Allègre,ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Madame le sénateur, en aucun cas je n'ai laissé l'impression qu'il s'agissait d'un problème mineur. Je voulais seulement souligner que le problème de l'amiante constitue l'un des problèmes majeurs de la sécurité à Jussieu. En effet, rien n'est aux normes de sécurité à Jussieu !

M. le président. L'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Jean Faure.)