Le Comité Anti Amiante Jussieu, créé en octobre 1994, et qui s'est constitué en association loi 1901 en mars 95 1 regroupe actuellement plus de 400 adhérents, personnels et étudiants des universités Paris 6 et Paris 7 et de l'Institut de Physique du Globe. Il a pour but d'obtenir le retrait complet de l'amiante de Jussieu dans les délais les plus brefs compatibles avec les contraintes techniques et de sécurité.
Dans la lettre d'information 1, nous expliquions les circonstances et les motivations de notre action. Rappelons simplement que cela fait 20 ans que le problème de l'amiante à Jussieu est posé, sans être résolu, et qu'hélas les premiers cas de maladies professionnelles liés à l'amiante sont apparus2. Rappelons enfin que le retrait complet de l'amiante est pour nous la seule solution raisonnable, car la seule sûre à long terme3, et que cette solution est techniquement possible dans des conditions de sécurité satisfaisantes.
"pour Jussieu, il n'y a pas besoin d'être grand clerc pour voir ce qui est en train de se passer. Obligation de travaux. Sanctions si ce n'est pas fait."
IL RESTE MAINTENANT A PASSER AUX ACTES!
L'action menée depuis un an a visiblement porté ses fruits. L'amiante est maintenant au coeur de l'actualité. Une prise de conscience générale des dangers liés à son utilisation et de la nécessité d'y remédier est en train de se faire. L'attitude de tous ceux qui exercent des responsabilités, tant sur Jussieu qu'au niveau national a considérablement évolué.
En ce qui concerne Jussieu, il est maintenant acquis, pour la première fois depuis 20 ans, qu'il faut faire des travaux et régler définitivement le problème. Et cela à tous les niveaux: Universités, Rectorat, Ministères.
Mais attention, si sur le principe tout le monde est d'accord, s'il est clair qu'il va y avoir des travaux, certaines questions fondamentales demeurent: quels travaux, à quel rythme, dans quelles conditions?
Une étude de diagnostic et de faisabilité des travaux est en cours depuis fin juillet et sera terminée en novembre. Elle devrait donner des éléments de réponse techniques à ces questions: priorités, coûts (y compris coûts induits), contraintes, nécessité de locaux tampons, etc. Mais la réponse définitive ne peut venir que du ministère de l'éducation: un engagement officiel sur un calendrier des travaux et un plan de financement correspondant.
Il nous faudra sur ce point n'accepter aucune tergiversation et être prêts, le cas échéant, à mener des actions dures. L'amiante doit être complétement retiré de Jussieu et les travaux faits au rythme le plus rapide compatible avec les contraintes techniques.
En attendant que l'amiante soit complètement retiré de Jussieu, il nous faut éviter autant que faire se peut de prendre des risques et d'en faire prendre à d'autres. Un plan de prévention et des mesures de sécurité assez contraignantes sont en train de se mettre en place sur notre campus. Même si cela constitue une gêne évidente pour tout le monde, il n'y pas d'autre choix: il faut respecter et faire respecter ces mesures de sécurité.
Le retrait de l'amiante de Jussieu, qui apparaissait il y a un an comme une demande irréaliste, s'est progressivement imposé à tous comme la seule solution raisonnable.
Tous les responsables que nous avons rencontrés (Direction Générale des Enseignements Supérieurs, Rectorat, Secrétariat d'Etat à l'Enseignement Supérieur) se sont accordés pour reconnaître que des travaux amenant une solution définitive sont indispensables et que la solution du retrait complet de l'amiante est la seule qui ait un sens sur le long terme.
Ainsi, dès mars dernier, le Directeur Général des Enseignements Supérieurs et le Vice-Chancelier des Universités de Paris confirmaient dans un communiqué de presse que "l'État était préoccupé par l'utilisation d'amiante au cours des années 70 dans les bâtiments de Jussieu et qu'il était décidé à prendre les mesures nécessaires à son éradication".
Cette position a été maintes fois confirmée depuis, sans pour autant qu'une décision définitive soit prise. Il apparaît nécessaire de faire le point de la situation actuelle.
La première chose que nous avons obtenue est le lancement d'une étude de diagnostic et de faisabilité des travaux. Cette étude, que le ministère a pris la décision de financer en mars 1994, est actuellement en cours: elle a débuté fin juillet et se terminera en novembre. Elle concerne l'amiante, l'électricité et l'incendie: en effet, il est prévu de profiter des travaux amiante pour moderniser et remettre aux normes l'électricité et la sécurité incendie -- ce qui est évidemment nécessaire.
La définition des missions (cahier des charges) et le choix du groupement chargé de l'étude se sont fait dans des conditions satisfaisantes. Le groupement retenu est conduit par la Setec, qui prend en charge les questions électricité et incendie. Pour ce qui concerne l'amiante, l'étude est menée par un groupe de 3 entreprises: BRGM (France), Eurotec (Allemagne) et FiberCount (Belgique).
La méthode de diagnostic retenue consiste en une inspection visuelle des locaux basée sur des critères de bon sens: dégradation des flocages, activités dans les locaux, vibrations, etc. Cette méthode de diagnostic visuel est celle pratiquée dans les pays voisins mais pas en France, où l'on a persisté à vouloir faire des mesures d'empoussièrement4. Ceci explique le recours à un groupement international dont la diversité des expériences devrait en outre assurer des conclusions incontestables.
Le fait que cette étude soit en cours nous a condamnés à une position d'attente durant les derniers mois. En effet, il était difficile d'obtenir des engagements avant que ne soient connus les résultats de cette étude qui doit précisément proposer des solutions et évaluer les coûts.
Au stade actuel aucun engagement sur le financement des travaux n'a encore été pris par le ministère. Lors de notre rencontre, le 3 juillet dernier, avec le Directeur de Cabinet de M. de Boishue, le problème du financement des travaux a été abordé de façon plutôt encourageante, mais aucune assurance concrète ne nous a été donnée. Notre objectif des semaines à venir sera donc d'obtenir des engagements fermes sur un calendrier et un plan de financement précis des travaux de retrait de l'amiante de Jussieu. Dès que les résultats de l'étude de faisabilité seront connus, le ministère n'aura plus d'excuses: il devra s'engager.
La stratégie du ministère sera probablement de faire traîner au maximum pour étaler les coûts. Par exemple, en ne trouvant pas de solution pour les locaux tampons indispensables. En effet, pour pouvoir faire les travaux dans des délais raisonnables, il faudrait pouvoir traiter plusieurs "barres" en parallèle, et donc disposer de locaux provisoires pour y installer les activités ayant lieu dans ces barres. Actuellement, aucune solution sérieuse n'a été envisagée, et nous devrons probablement en proposer nous-mêmes: si vous avez des idées, prévenez nous!
En attendant qu'une solution définitive soit apportée au problème de l'amiante, des mesures de sécurité ont été progressivement mises en place sur le campus ces derniers mois. Elles auraient dû l'être depuis plus de 20 ans5.
Ces mesures visent à limiter autant que faire se peut les expositions aux poussières d'amiante. Elles concernent bien sûr toutes les interventions dans les faux-plafonds et gaines techniques (placards des couloirs), mais aussi d'autres travaux apparemment plus anodins qui induisent des pollutions significatives, comme les opérations de nettoyage ou les travaux engendrant des vibrations.
Des mesures d'empoussièrement effectuées cette année sur le campus ont donné des résultats qui montrent que certains travaux engendrent des pics d'exposition considérables6:
Tout cela montre, s'il en était besoin, à quel point les mesures de sécurité sont indispensables. Elles compliquent évidemment terriblement la vie de tout le monde. Et plus encore celle des personnels des services techniques qui doivent les appliquer: leurs interventions sont plus compliquées, plus longues (à cause des procédures de confinement et de dépoussiérage) et plus pénibles (il suffit d'essayer une fois un masque réglementaire pour comprendre l'ampleur du problème)7. Mais il n'y pas d'autre choix tant que l'amiante est là.
La mise en place des mesures de sécurité est l'une des fonctions du Comité Inter Etablissements, créé le 2 novembre 1994 par les présidents des Universités et le Directeur de l'IPG. Ce comité, aux travaux duquel nous participons, est chargé en particulier de l'évaluation des risques dus à l'amiante, de l'élaboration et de la mise en oeuvre d'un plan de prévention, de l'information des personnels, etc. Rappelons les mesures qu'il a prises:
Si cette circulaire n'a pas été diffusée dans votre service ou dans votre laboratoire, demandez qu'elle le soit immédiatement.
Si des mesures de sécurité ont bien été mises en place, cela ne signifie pas que tout va pour le mieux. Comme on pouvait s'en douter, il est difficile de les faire appliquer. Les vieilles habitudes sont tenaces. Même les travaux concernant directement l'amiante effectués ces derniers mois ont complètement échappé au contrôle du Comité Inter-Établissement!
Sur l'Université Paris 6, les travaux d'enrobage de l'amiante ont continué comme à l'accoutumée. Le Comité Inter-Établissement n'a pas été informé, et personne n'a vu le cahier des charges. Résultat (entre autres): les déménagements précédant les travaux se sont passés dans des conditions déplorables qui ont engendrés des expositions importantes8.
Les locaux du GPS (groupe de physique des solides) tour 23, ont été inondés au début de l'été dernier, ce qui a entraîné une importante pollution par l'amiante. L'occasion a été saisie pour prévoir un chantier pilote de déflocage, financé pour le moment sur les fonds propres de l'université Paris 7. L'idée était excellente, mais la mise en oeuvre a eu quelques ratés. Le Comité Inter-Établissement n'a pas été consulté et l'entreprise choisie pour assurer la maîtrise d'oeuvre du chantier l'a été dans la précipitation: elle n'a pas de compétence particulière dans le domaine de l'amiante, elle est spécialisée dans la climatisation. Finalement nous avons obtenu qu'un expert reconnu assure la surveillance, ce qui devrait éviter les problèmes et ... augmenter les compétences de l'entreprise en question.
Les travaux qui ont eu lieu pendant l'été dans la tour centrale ne concernaient pas directement l'amiante, mais la sécurité incendie. Un orage avait détruit le système d'asservissement durant l'été 1994. La commission de sécurité, lors d'une visite en Juillet 1995, demanda de remettre immédiatement la sécurité incendie aux normes, ce qui fut fait. A l'occasion de ces travaux, et pour leur sécurité, l'amiante a été partiellement enrobée dans les gaines techniques, mais non retirée. Malheureusement, il y eut un déficit d'information des occupants à la rentrée, et le protocole de contrôle d'empoussièrement avant restitution des locaux laissait à désirer.
Les personnes en charge de l'étude de diagnostic et faisabilité ont rencontré beaucoup de difficultés: des portes closes (il étaient censés avoir accès à toutes les pièces) à l'impossibilité d'obtenir les descriptifs des travaux d'enrobage de l'amiante réalisés sur l'Université Paris 6.
Si vous trouvez cette litanie désespérante, rappelez-vous ce qui se
passait il y a un an encore ... En ces temps reculés, on changeait les
faux-plafonds sans protection des intervenants ni confinement de la
zone.
Bref, nous sommes sur le bon chemin, même s'il reste
encore quelques progrès à faire!
L'objectif de notre association est d'obtenir une solution définitive et rapide au problème de Jussieu. Mais très vite nous avons été amenés à étendre notre action au niveau national. D'une part parce que nous étions confrontés à des obstacles qui ne pouvaient être levés que par une action nationale. D'autre part parce que nous étions souvent sollicités par des personnes confrontées ailleurs aux mêmes problèmes qu'à Jussieu, mais avec moins de moyens d'action.
C'est pourquoi nous avons demandé que les pouvoirs publics, prenant en compte l'expérience des pays voisins, se dotent enfin d'une véritable politique de prévention en matière d'amiante comprenant:
L'action au niveau national a été menée avec trois autres associations: la FNATH (Fédération Nationale des Accidentés du Travail et des Handicapés), ALERT (Association pour l'Étude des Risques au Travail) et la Ligue contre le Cancer. Nous avons été reçus à plusieurs reprises dans les ministères concernés: Santé, Travail et Environnement.
Le bilan est très nettement positif puisqu'est
en train de se mettre en place un dispositif réglementaire qui répond
à un grand nombre de nos demandes. Il se compose de deux projets de
décret et d'un projet d'article de loi.
Le projet de décret
du ministère de la Santé porte sur les bâtiments contenant de
l'amiante. Il fait obligation au propriétaire d'un bâtiment à usage
collectif de
Il est à noter qu'en application de ce projet de décret, dans un cas comme celui de Jussieu, il devrait y avoir obligation de travaux, sous peine de sanctions pénales!
Le projet de décret du ministère du travail porte sur la protection des travailleurs contre les risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante. Il concerne aussi bien les travailleurs de l'industrie que ceux du bâtiment.
Le dispositif est complété par un projet d'article de loi qui étend la possibilité d'arrêt de chantier aux "risques liés aux opérations de confinement et de retrait de l'amiante" (elle ne s'applique actuellement qu'aux risques de chute et ensevelissement).
Tant que nous n'avons pas obtenu concrètement un calendrier et un plan de financement précis des travaux, nous sommes à la merci de tergiversations, de retards, de changements de gouvernements, etc. S'il est devenu clair que des travaux seront faits, ne serait-ce que parce que le décret à venir les rendra obligatoires, aucune décision définitive n'a encore été prise. Les récentes déclarations à la presse de Mme le Recteur, concernant un possible début des travaux en janvier 1996, témoignent d'un souci manifeste de voir le problème réglé. Mais l'affaire est beaucoup moins avancée qu'elle ne le laissait entendre; en particulier, le problème des locaux provisoires n'est pas réglé.
Nous demandons au ministère l'ouverture d'une concertation pour déterminer la nature exacte des travaux, leur rythme, les conditions dans lesquelles ils se dérouleront, l'organisation de locaux provisoires, etc.
À Jussieu nous demandons que soit désigné un Monsieur Amiante ayant délégation de pouvoirs des présidents pour contrôler tous les travaux ayant un rapport avec l'amiante.
Pour obtenir rapidement
le retrait de l'amiante de Jussieu
adhérez à l'association
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