Le Comité Anti-Amiante Jussieu, créé en octobre 1994, regroupe des personnels et des étudiants des universités Paris 6 et Paris 7 et de l'Institut de Physique du Globe. Il a pour but d'obtenir le retrait complet de l'amiante de Jussieu. Pour oeuvrer plus efficacement à cette solution, il se transforme actuellement en association loi 1901.
Tout simplement parce que la réalité est devenue incontournable: l'amiante à Jussieu représente un véritable danger qu'on ne peut ignorer. Sur les dix cas de maladie professionnelle liée à l'amiante déclarés sur le campus, deux concernent des personnes n'ayant eu aucune autre exposition à l'amiante qu'à Jussieu. Ces cas surviennent alors que les temps de latence des maladies en question indiquent que nous ne sommes qu'au tout début de la période où se manifestent les effets sur la santé. On ne peut tolérer que se maintienne plus longtemps une situation aberrante où des personnes sont quotidiennement mises en danger.
Le retrait de l'amiante est la seule solution qui soit viable à long terme. L'alternative, c'est l'application de mesures de sécurité draconiennes lors des moindres travaux, avec évacuation des occupants et équipements de protection pour les intervenants (masques, combinaisons, etc.). De telles mesures extrêmement contraignantes rendraient rapidement la vie impossible pour tous et plus encore pour les agents des services techniques qui devraient travailler la plupart du temps en scaphandre. En outre le coût des travaux augmenterait de manière significative.
Certes le retrait de l'amiante, comme tous les travaux importants, provoquera une gêne, notamment pour les laboratoires qui ont beaucoup de matériel. Mais cette gêne n'est rien en regard des problèmes qui se poseront pour les années à venir si rien n'est fait maintenant.
Le contexte international devrait y aider: plusieurs pays
européens ont complètement interdit l'usage de l'amiante et mis en
place des politiques de prévention pour les bâtiments contenant de
l'amiante qui vont jusqu'à son enlèvement, quand il représente un
danger potentiel. La France fait un peu figure d'exception, mais la
perspective de procès comme ceux qui se développent aux USA ou en
Grande-Bretagne devrait faire réfléchir les responsables.
En
ce qui concerne Jussieu, les actions menées ces derniers mois on déjà
changé la situation. Au ministère on reconnaît qu'on ne peut continuer
de mettre des personnes en danger et que des travaux de protection
doivent être effectués, mais on se refuse encore à s'engager sur le
financement des travaux. Une mobilisation énergique sera probablement
nécessaire pour contraindre le ministère à assumer sa responsabilité
financière.
L'inhalation de fibres d'amiante provoque:
Au début du siècle le risque amiante concernait un nombre restreint de personnes qui subissaient des expositions extrêmement fortes. Au fil des années, les niveaux d'exposition ont baissé progressivement, mais le nombre de personnes exposées a lui considérablement augmenté. Actuellement, le plus fort contingent de décès dus à l'amiante ne vient plus des travailleurs de l'industrie de l'amiante, mais des ouvriers du bâtiment. Compte tenu du temps de latence des maladies concernées, cela correspond à des expositions ayant débuté dans les années 50 à 60. Depuis, l'éventail des personnes exposées s'est encore considérablement élargi.
La situation la plus préoccupante actuellement -- qui concerne un grand nombre de personnes -- est celle des bâtiments floqués à l'amiante. L'amiante qui se trouve dans les bâtiments représente un risque pour les personnes assurant l'entretien de ces bâtiments et au delà pour tous les occupants réguliers.
Toute l'ossature métallique de Jussieu est floquée à l'amiante: poutres horizontales dissimulées dans les faux-plafonds, poutres verticales dans les armoires métalliques (gaines techniques) qui bordent les couloirs. Plusieurs variétés d'amiante sont présentes, y compris les plus dangereuses, les amphiboles: l'étude faite par le BRGM en 1983 a révélé la présence d'amphiboles dans 14 des 21 points testés (répartis sur tout le campus).
Jussieu est l'un des plus grands bâtiments au monde floqués à l'amiante et l'un de ceux où cela pose le plus de problèmes:
La construction de Jussieu s'est terminée en 1972. De 1975 à 1980, une mobilisation des personnels et l'action énergique d'un Collectif Amiante ont permis d'obtenir les seuls travaux de protection conséquents réalisés à ce jour: le recouvrement par du plâtre des plafonds du rez-de-chaussée où l'amiante était à nu. Depuis, le ministère s'est complètement désengagé et aucun plan d'ensemble n'a guidé les quelques travaux de protection faits sur le campus, financés souvent par les crédits propres des laboratoires.
Dans un nombre limité de couloirs des solutions raisonnables ont été mises en oeuvre: capotage ou enrobage des poutrelles floquées. Mais l'essentiel des travaux ces dernières années a consisté à remplacer les faux-plafonds troués par des plaques pleines ou recouvertes d'enduit. Cela diminue certes l'émission régulière des fibres d'amiante mais ne résout absolument pas le problème posé par tous les travaux d'entretien ou de restructuration.
Depuis 15 ans, les responsables qui se sont succédés, au niveau des universités et plus encore du ministère, n'ont pas assumé leurs responsabilités: ils n'ont pas fait ce qu'il fallait pour mettre un terme à une situation dont tout le monde sait parfaitement qu'elle représente un danger.
Il y a actuellement 10 cas de maladies professionnelles liées à
l'amiante déclarés sur Jussieu. Dans deux de ces cas les personnes
n'ont pas eu d'autre exposition à l'amiante qu'à Jussieu. Ces deux cas
sont récents et concernent des personnes ayant eu par leur travail à
subir fréquemment des pics d'exposition lors de travaux dans les
faux-plafonds. L'une d'elles, Jacques Lebbe, qui a été ingénieur de
sécurité de Paris 6 durant 19 ans, a apporté son témoignage lors de la
conférence de presse organisée par la Comité Anti Amiante le 2 mars
dernier. A cette occasion il a lancé un appel à tous ceux qui
travaillent depuis plus de 20 ans à Jussieu, et particulièrement dans
les services techniques, pour qu'ils se fassent examiner par un
pneumologue compétent.
Jussieu n'ayant guère que 25 ans nous arrivons tout juste au
début de la période où l'on peut repérer les premiers effets de
l'amiante et seulement pour les personnes les plus exposées. En effet
les maladies liées à l'amiante ne se déclarent que de 20
à 50 ans après la première exposition, et ce n'est que
dans 15 ou 20 ans qu'on pourra mesurer réellement les effets de
l'amiante à Jussieu (en particulier en ce qui concerne les
mésothéliomes).
Depuis la création du Comité Anti Amiante en octobre dernier, la
situation sur le campus a évolué significativement et une certaine
prise de conscience s'est opérée chez les personnes amenées à exercer
des responsabilités.
Un Comité Inter Établissements a été mis en
place par les présidents des universités Paris 6 et Paris 7 et le
directeur de l'IPG. Ce comité, aux travaux duquel nous participons,
est chargé de la gestion du problème de l'amiante sur le
campus.
Dès sa mise en place en décembre dernier, le comité a pris
des mesures concernant la sécurité:
D'autre part un cahier des charges pour un diagnostic des risques et des priorités a été élaboré. Le ministère a donné, le 1er mars dernier, son accord pour le lancement du diagnostic et de l'étude de faisabilité des travaux et s'est prononcé pour que soit "lancé sans plus tarder la procédure de désignation d'un bureau d'étude".
Les premières mesures de sécurité mises en place par le Comité Inter
Établissements étaient absolument indispensables dans la situation
présente. Ne pas prendre de mesures de sécurité, c'est mettre la
santé de nombreuses personnes en danger. Chaque fois qu'un responsable
fait faire des travaux sans respecter les règles de sécurité, il met
consciemment des personnes en danger. Cela est évidemment
inacceptable.
Mais ces mesures ne résolvent aucunement le problème. Leur
caractère extrêmement contraignant les rend inapplicables sur une
longue période - en supposant qu'elles soient applicables
provisoirement. Le coût et la durée de la moindre intervention
augmentent de manière significative. La tâche des services techniques
se trouve compliquée et leur travail rendu plus pénible, notamment par
le port d'un masque. En fait on aboutira très vite à une situation
absurde et ingérable: peut-on en effet raisonnablement contraindre les
personnels des services techniques d'une université à passer leur vie
en scaphandre?
Il n'y a qu'une seule solution raisonnable et viable
à long terme, y compris financièrement, c'est la décontamination
totale et définitive du campus par le retrait complet de
l'amiante. L'expérience de récents chantiers de retrait de
l'amiante (tours GAN et ESSO à la défense, Centre International de
Recherche sur le Cancer de Lyon) montre que la mise en oeuvre de cette
solution ne pose pas de problèmes, dès lors que les mesures de
sécurité adéquates sont prises.
Le retrait de l'amiante de tout Jussieu coûterait environ 200 millions de francs. Il ne nécessite pas la fermeture de Jussieu. Il peut être effectué barre par barre et même étage par étage: la durée des travaux pour un étage serait d'environ un mois (déménagements non compris). Pour éviter des interruptions momentanées de certains services, on peut installer des locaux provisoires permettant d'effectuer des rotations, comme cela se fait lors du retrait de l'amiante dans des hôpitaux.
Il est clair que le retrait de l'amiante, comme tous les travaux importants, perturbera momentanément le fonctionnement de certains laboratoires. Mais cela doit être comparé aux problèmes qui se poseront dans les années à venir si rien n'est fait maintenant: évacuation des personnels pour les moindres travaux, augmentation du coût des travaux, augmentation du nombre de cas de maladies dues à l'amiante, etc. En outre, le retrait de l'amiante sera l'occasion pour résoudre d'autres graves problèmes de sécurité qui se posent à Jussieu: électricité et incendie en particulier.
Quand au coût, il ne représente somme toute que quelques jours du déficit d'Air France1 et correspond exactement à celui du défi français dans la coupe de l'America! Il est à mettre en relation avec ce qu'est Jussieu: l'équivalent d'une petite ville, avec ses 200000 m2 de surface de bâtiments floqués où séjournent quelques dizaines de milliers de personnes.
Ce coût ne peut bien évidemment pas être supporté par les universités: il représente environ 20 ans de budget de maintenance, et il ne peut être question d'utiliser de l'argent de la recherche à cette fin. Le flocage à l'amiante doit être considéré comme un défaut de construction et son retrait doit être financé par les pouvoirs publics.
Si vous ne l'avez pas encore fait
envoyez la lettre au Ministre
Journée d'information Amiante
Mardi 21 mars, Amphi 24
Pour obtenir rapidement
le retrait de l'amiante de Jussieu
adhérez à l'association