Le campus Jussieu est désormais sur le chemin du désamiantage. La solution retenue par le Ministère de l'Éducation est celle que nous préconisions : désamiantage par tranches, en utilisant des locaux provisoires, sans évacuation complète du campus. Les moyens proposés sont à la hauteur des objectifs.
Il nous faut maintenant réussir le désamiantage. Cela suppose la coopération de tous : personnels, étudiants et administration des universités. Les universités doivent s'engager résolument et sans arrière-pensées dans cette opération. Il en va de la santé des occupants mais aussi -- il ne faut pas l'oublier -- de la solution du problème de santé publique posé par l'amiante en France. Le chantier de Jussieu sera observé, et la manière dont il se fera aura une influence considérable sur le désamiantage de l'ensemble des bâtiments en France. Nous avons à cet égard des responsabilités : Jussieu doit être un chantier exemplaire.
Le désamiantage perturbera assurément les activités, mais les enjeux valent bien ces perturbations. Les travaux prévus constituent une rénovation complète du campus : désamiantage, mise en sécurité incendie, remplacement de l'ensemble des installations électriques, etc. Ils devraient raisonnablement conduire à terminer la construction du campus et à une amélioration sensible des conditions de travail et d'étude.
Le plan de désamiantage.
Le plan de désamiantage de Jussieu annoncé par François Bayrou comporte :
Ce plan fait l'objet d'un contrat triennal entre le Ministère de l'Éducation d'une part et les Établissement situés sur le campus (Paris 6, Paris 7 et IPGP), qui devrait être signé dans les jours qui viennent. Il doit permettre à la fois de désamianter rapidement le campus et de maintenir les activités d'enseignement et de recherche. L'État assurera directement la maîtrise des travaux de désamiantage. Un Établissement Public sera créé spécialement à cet effet.
Où en est-on ?
En préalable au chantier de désamiantage proprement dit,
deux tâches essentielles doivent être accomplies : celles du
«programmiste» et du «maître d'oeuvre». Le
programmiste doit programmer les déménagements
provisoires en tenant compte des contraintes techniques des travaux,
des contraintes des services et des locaux temporaires disponibles. Le
maître d'oeuvre conçoit, organise et assure le suivi des travaux ;
c'est lui qui établit le cahier des charges pour les travaux de
déflocage.
Le programmiste est déjà choisi : il s'agit de la
société APOR. Cinq candidats pour la maîtrise d'oeuvre
ont été retenus, qui devront remettre une offre
précise. Le choix définitif aura lieu le 11
décembre. Le maître d'oeuvre choisi devra d'une part
établir le scénario général de
l'opération, et d'autre part assurer la maîtrise d'oeuvre
complète d'une première tranche de 8 barres (le
désamiantage des 4 premières barres devant
débuter au deuxième trimestre 1997).
En ce qui concerne les locaux provisoires, les choses avancent aussi.
Un appel d'offre pour 4000m2 de préfabriqués sur le
campus est en cours sous la responsabilité de Paris 7. Un appel
d'offre pour 6000m2 supplémentaires devrait être lancé
sous peu sous la responsabilité de Paris 6.
L'organisation des travaux.
D'un point de vue technique, il serait possible de désamianter
le campus en procédant par petites unités d'un seul
étage. Mais pour tenir compte des contraintes du chantier, il
faudra procéder par «barres» entières
(i.e. les 5 étages) et même par ensembles de barres contiguës.
En effet pour réaliser le chantier sur 2 ans et demi, il faudra
immobiliser de l'ordre de 8 barres simultanément. Si elles
étaient dispersées, cela ferait autant de chantiers
distincts et il ne serait plus possible de maintenir des
activités normales sur le campus. Le plus pratique serait
d'avoir à chaque fois un seul chantier, isolé du reste
du campus et possédant une sortie sur l'extérieur, ce
qui est possible.
Le schéma de base est le suivant. L'immobilisation d'une barre
durera de 4 à 6 mois. Les occupants de chaque barre
déménagent dans des locaux provisoires, pendant la
période d'immobilisation de cette barre, puis
réintègrent leurs locaux. Ce schéma convient pour
les travaux dirigés et les activités de recherche
théorique. Les locaux provisoires ne peuvent accueillir ni les
travaux pratiques «humides&raqui;, ni les activités de
recherche expérimentale. Pour ces dernières des
solutions au coup par coup peuvent être trouvées : arrêt
programmé de certaines expériences et entraide avec
d'autres laboratoires sur le campus ou ailleurs.
Pour certains laboratoires (biologie et biochimie) un
déménagement définitif serait
préférable. Le réaliser à locaux
constants engendrerait des perturbations et un gâchis
considérables. Nous avions proposé, dans notre plan de
désamiantage, une solution consistant à parachever le
campus, les nouvelles «barres» servant dans la
dernière phase du désamiantage à
déménager les laboratoires qui posent des
problèmes. Cette solution n'a pas été retenue
dans le plan de désamiantage du Ministère, car la
présidence de l'Université Paris 7 y était
opposée, préférant miser sur une
éventuelle délocalisation.
Défloquer en toute sécurité.
Le désamiantage -- ou plus précisément le
déflocage -- est la seule solution durable au problème
posé par l'amiante à Jussieu. Il constitue en outre un
préalable à une remise aux normes du campus en
matière d'électricité et de
sécurité incendie, qui rappelons-le est aussi absolument
nécessaire.
Le déflocage n'est pas une opération banale de
rénovation de bâtiment, mais une opération de
sécurité. La zone de travaux est entièrement
confinée et mise en dépression, pour éviter que
des fibres d'amiante s'échappent dans l'environnement. Les
ouvriers travaillent en combinaisons étanches et masques avec
assistance respiratoire, pour assurer leur propre protection. Le
déflocage est une opération maintenant bien
maîtrisée : des milliers de bâtiments ont été
défloqués ces dernières années en
Europe. Contrairement aux allégations de ceux qui veulent
profiter de cette opération pour faire évacuer le
campus, on sait parfaitement désamianter les bâtiments sans
engendrer de pollution dans l'environnement immédiat (et a
fortiori dans le quartier).
À l'opposé de celui du Berlaymont, souvent cité
en référence, le déflocage de Jussieu ne pose pas
de problème technique. Les flocages d'amiante se trouvent
uniquement sur des structures métalliques directement
accessibles et facilement décontaminables : il suffit de
retirer les faux-plafonds et les placards métalliques des
couloirs pour avoir accès à la totalité des
flocages. En outre la structure modulaire (par
«barres») facilite grandement l'organisation du
chantier. On peut isoler et défloquer un ensemble de
«barres» sans risque de contamination pour le reste du
campus. Ceci permet d'effectuer le déflocage par tranches sans
fermer le campus.
Désamiantage ou délocalisation.
Le Comité Anti-Amiante a choisi de ne pas s'exprimer pendant la
«consultation» organisée par la présidence
de Paris 7 sur son projet de délocalisation. Nous tenions en
effet à ce que ce projet, par nature conflictuel, reste
séparé de la question du désamiantage, qui doit
rester consensuelle.
Ce n'est malheureusement pas ce qui s'est produit. Cette consultation
a été utilisée par les promoteurs du projet de
délocalisation pour remettre en cause le plan de
désamiantage proposé par le Ministère, à
l'aide d'arguments fallacieux : on ne saurait pas désamianter
Jussieu, le désamiantage serait extrêmement dangereux, les
locaux provisoires ne seraient pas utilisables, etc. Certains
souhaitent manifestement créer la panique pour rendre toute
solution raisonnable impossible, les gens n'ayant plus le choix
qu'entre rester avec l'amiante ou vider les lieux
définitivement.
Les bonnes causes n'ont pas besoin de mauvais arguments. Si la
délocalisation de Paris 7 se justifie, ce n'est certainement
pas du point de vue du désamiantage, car les calendriers des
deux opérations sont incompatibles. Quelles que soient les
manoeuvres, nous ne reviendrons pas en arrière : le
désamiantage se fera dans les délais prévus et en
utilisant des locaux provisoires. Il est hors de question de faire
dépendre le désamiantage d'une hypothétique
construction d'université sur la ZAC ou ailleurs.
L'intersyndicale P6-P7 et le CAAJ appellent à une