La France a pris un retard considérable durant les 15 dernières années face au problème de santé publique posé par l'amiante. Ce retard est en grande partie dû à l'action menée par le Comité Permanent Amiante, qui avait réussi à s'attribuer le monopole de l'expertise en matière d'amiante. Cette structure avait toutes les apparences d'une structure officielle de concertation regroupant à la fois industriels de l'amiante, syndicalistes, fonctionnaires des ministères et experts, tous censés travailler «sans aucune interférence avec les autres activités de leurs organisations respectives». Dans son livre blanc [+], il se présente d'ailleurs comme un organisme indépendant «composé de bonnes volontés» oeuvrant «dans la transparence totale et la confiance retrouvée entre les hommes» à la solution des problèmes posés par l'amiante.
La réalité ne confirme pas cette image d'un organisme né de la rencontre fortuite de bonnes volontés. Il y a derrière une vraie structure: un cabinet de communication, Communications Économiques et Sociales[+], financé par les industriels de l'amiante. Communications Économiques et Sociales est membre de l'AFCL, Association Française des Cabinets de Lobbying, qui définit ainsi son action: «faire valoir des intérêts particuliers susceptibles d'être lésés par une priorité accordée sans nuance à l'intérêt général.» Dans le cas de l'amiante, l'intérêt général en question n'est rien d'autre que la santé publique.
C'est au milieu des années 70, alors que des voix s'élevaient en France pour dénoncer les dangers de l'amiante, que l'industrie de l'amiante fit appel au cabinet Communications Économiques et Sociales pour organiser ses campagnes de presse. Celui-ci tenta à plusieurs reprises de créer un Comité Scientifique soutenant les positions de l'industrie de l'amiante. La tâche était délicate, car il n'est pas facile de trouver des experts médicaux qui acceptent de privilégier les intérêts économiques sur les impératifs de santé, et certaines des personnes approchées ont refusé de participer aux colloques organisés par l'industrie de l'amiante. Il aboutit finalement en Novembre 1982 avec la création du CPA. Il appliqua ensuite la même recette pour défendre d'autres produits dangereux comme le cadmium ou le plomb.
Comité anti-amiante Jussieu