Claude Allègre avait manifesté, dans un article du Point du 19 octobre 1996, son mépris pour le rapport de l'INSERM "Effets sur la santé des principaux types d'exposition à l'amiante". Bien que n'ayant absolument aucune compétence sur le sujet, il s'était permis de le condamner avec virulence, sans apporter le moindre argument. Devenu ministre de l'Education Nationale, de la Recherche et de la Technologie, il a usé de son pouvoir de tutelle sur l'INSERM pour exercer des pressions afin d'empêcher la publication de ce rapport (cf le numéro du 16 octobre 1997 du journal scientifique britannique Nature).
Qu'un Ministre se permette d'exercer des pressions pour empêcher la publication d'un rapport d'expertise scientifique est consternant. Qu'il le fasse quand il s'agit d'un rapport traitant des effets sur la santé d'un matériau qui provoque plus de 2000 décès par an est un véritable scandale.
Si Claude Allègre se livre à pareilles pressions c'est que le dossier amiante représente pour lui un danger. L'objet de son article du Point était de s'opposer à la décision de désamiantage de Jussieu, et il avait été le seul en France à le faire. Faisant fi des données scientifiques et techniques comme des rapports d'expertise (le rapport d'expertise de novembre 1995 recommandant l'enlèvement rapide de l'amiante de Jussieu était signé par l'expert amiante du BRGM, institution dont Claude Allègre était le président), il dénonçait dans cet article truffé d'erreurs, un phénomène de "psychose collective" à propos d'un "risque mineur".
À Jussieu on dénombre actuellement 28 cas de maladies professionnelles liées à l'amiante. Une information judiciaire a été ouverte pour "blessures involontaires" et "abstention délictueuse" à la suite d'une plainte déposée par le Comité Anti Amiante Jussieu et deux victimes, en septembre 1996. Claude Allègre est impliqué à divers titres dans le dossier de l'amiante à Jussieu. Comme directeur de l'Institut de Physique du Globe (l'un des établissements du Campus Jussieu) de 1976 à 1986, il n'a pas fait respecter les mesures de sécurité qui s'imposaient. Comme Conseiller spécial de Lionel Jospin au Ministère de l'Education de 1988 à 1992, il n'a rien fait pour résoudre le problème, malgré les moyens considérables engagés dans le plan "Université 2000".
Devenu Ministre en charge du dossier, Claude Allègre bloque le désamiantage de Jussieu, et remet en cause le contrat de désamiantage signé par le précédent Ministre de l'Education en décembre 1996. Dans ce dossier, Claude Allègre est manifestement juge et partie, de même que son conseiller pour l'enseignement supérieur Vincent Courtillot, qui est en même temps directeur de l'Institut de Physique du Globe!
Combien de temps laissera-t-on cette situation inadmissible perdurer?