Comité Anti-Amiante Jussieu: tract (03/04/97)

DÉSAMIANTAGE: OÙ EN EST-ON?

Comité Anti-Amiante Jussieu
3 avril 1997

Contrairement aux engagements pris par le Ministre de l'Éducation, les travaux de désamiantage du campus ne commenceront pas ce printemps. Le plus grand flou règne encore actuellement sur le calendrier des opérations. Les retards ne sont justifiés par aucune raison technique: la seule raison est que certaines opérations préliminaires qui auraient dû être engagées il y a 6 mois, sont encore en discussion ...
Cela résulte en premier lieu de la confusion qui règne dans la gestion de ce dossier: le ministère n'a pas mis en place les moyens, à l'évidence indispensables, pour conduire une opération aussi sensible, en attendant la création de l'Établissement Public. À cela s'ajoutent les pressions considérables qui s'exercent pour faire échouer le plan de désamiantage. Ce ne sont pas les motivations qui manquent: financières, immobilières ou judiciaires. Il y a enfin l'attitude injustifiable de la présidence de Paris 7 qui en est arrivée à prendre le désamiantage en otage pour essayer d'imposer le déménagement sur la ZAC Tolbiac qu'elle n'a pu obtenir par les voies normales. Bien qu'un retard important ait été pris, le plan de désamiantage lui-même n'est nullement remis en cause. Le respect dans le futur du calendrier prévu dépendra de notre capacité à faire prévaloir les impératifs de santé publique sur les autres considérations.

La situation actuelle

Le programmiste et le maître d'oeuvre, qui sont chargés respectivement de la programmation des déménagements et de l'organisation des travaux, sont au travail. Mais tout cela se fait dans le plus grand désordre: programmiste et maître d'oeuvre travaillent depuis maintenant plusieurs mois sans avoir reçu de directives claires... Le même désordre règne en ce qui concerne la construction des 25 000 m2 de préfabriqués: trois tranches, avec trois responsables différents (P6, P7 et le rectorat), qui décident au gré de leur imagination sans réflexion préalable ni concertation.
Seule la mise en place de l'Établissement Public, qui assumera la responsabilité des opérations de désamiantage du campus, est susceptible de changer cette situation et de garantir que les retards déjà pris seront les seuls. Le décret de création de cet Établissement Public a reçu un avis favorable du conseil d'état le 18 mars et devrait être publié au journal officiel dans les jours qui viennent, après signature des ministres concernés. Il faudra encore compter quelques semaines pour qu'il devienne opérationnel: nominations diverses (un président, un directeur, un agent comptable, etc.), attribution de locaux (sur le campus ou à proximité), etc.
En ce qui concerne les locaux provisoires, seul l'immeuble du CEA, rue de la Fédération peut être utilisé à court terme. La construction des préfabriqués a pris un retard considérable, qui se répercutera inévitablement sur le désamiantage lui-même. La première tranche de 6000 m2 sur le campus, sous la responsabilité de Paris 7, qui devait être disponible en septembre vient d'être annulée (voir plus loin) et ne verra probablement pas le jour avant le printemps 1998. Une seconde tranche de 6000 m2 sur le campus, sous la responsabilité de Paris 6, ainsi que 13000 m2 à Gentilly , sous la responsabilité du Rectorat, sont prévus officiellement pour décembre 1997.

Le chantier test de désamiantage.

Une bonne nouvelle quand-même: le chantier test de désamiantage du Groupe de Physique des Solides s'est déroulé normalement, contrairement à ce qui a pu être écrit ici ou là. Les mesures effectuées dans les couloirs adjacents ont montré que le dispositif de confinement fonctionnait et que le désamiantage n'entraînait pas de pollution hors du chantier. Les mesures libératoires après désamiantage étaient à moins de 1 fibre/litre, ce qui témoigne d'un arrachage correctement effectué.
Un seul incident a eu lieu lors de ce chantier: une pollution anormale a été constatée dans la zone de chantier en sortie de sas; le chantier a été immédiatement arrêté et la zone dépolluée. Ce genre d'incident en sortie de sas n'est pas exceptionnel sur les chantiers de désamiantage. Il pose le problème de la protection des ouvriers, qui n'a pas encore reçu une attention suffisante, bien que les progrès enregistrés ces derniers mois soient considérables. Nous avons demandé et obtenu la collaboration de l'INRS (Institut National de Recherche en Sécurité) pour que cette question essentielle soient étudiée (et résolue) dès le début du chantier de Jussieu.

Ce chantier test a été remarquable à plusieurs titres:

Gentilly: désinformation organisée.

Le désamiantage de Jussieu fait l'objet de nombreuses rumeurs qu'il serait fastidieux de réfuter une par une. Toutes vont dans le même sens: montrer que le désamiantage est une opération extrêmement compliquée, impossible à réaliser sans une évacuation complète du campus.
Depuis un certain temps, on est même passé à la désinformation officielle. Lors d'une réunion d'information des correspondants amiante de l'université Paris 7 (qui sont censés rapporter ensuite l'information dans leur laboratoire) tenue le 26 février le vice-président chargé des locaux a affirmé, en brandissant un plan des carrières de Gentilly, que le site était «inconstructible» et qu'il fallait <<oublier les préfabriqués de Gentilly>>.
Qu'en est-il en réalité? Il y a effectivement des carrières à Gentilly (comme à beaucoup d'autres endroits à Paris) et cela était connu au moment de la décision d'utiliser le site de Gentilly. Le terrain est constructible, et les travaux de consolidation nécessaires, ont été prévus. La construction de préfabriqués à Gentilly est toujours à l'ordre du jour. Les retards ne sont pas dus à la présence de carrières, mais aux lenteurs de l'administration, et plus encore à la véritable guerilla à laquelle la présidence de Paris 7 s'est livrée ces derniers mois pour empêcher la construction de préfabriqués à Gentilly et y substituer des locaux sur la ZAC Paris Rive Gauche ... dont la livraison ne pourrait intervenir avant plusieurs années.
Nous devons malheureusement constater que les initiateurs du projet de déménagement sur la ZAC se sont progressivement transformés en des opposants de fait au désamiantage: ils font tout pour bloquer le désamiantage en espérant ainsi contraindre le Ministère à financer une nouvelle université, au risque de faire échouer les deux. L'opposition au site de Gentilly n'a pas d'autre explication.

Préfabriqués sur le campus: marché annulé.

Si les constructions sur Gentilly ne sont pas remises en cause, il n'en va pas de même de la première tranche de préfabriqués sur le campus, dont la responsabilité avait été confiée à Paris 7. L'opération avait été lancée en juillet 1996 et suivait son cours - sans précipitation excessive - pour aboutir à une livraison d'environ 6000 m2 prévue en septembre prochain. L'université avait refusé toute concertation lors de l'élaboration du cahier des charges et de la sélection finale, contrairement à ce qui s'était passé pour toutes les autres opérations liées à l'amiante.
La commission des marchés (commission dépendant du ministère de l'économie et des finances chargée d'examiner tous les marchés publics) a relevé des irrégularités importantes dans la sélection de l'entreprise et rendu un avis défavorable. Le président de l'université a alors décidé d'annuler le marché.
Le résultat de cette annulation est un retard supplémentaire d'au moins 6 mois. Nous demandons que le dossier soit rendu public pour que chacun puisse apprécier les responsabilités.

De la sécurité à Jussieu.

Toutes les querelles actuelles, qui ne font que retarder les travaux, ne sont pas à la hauteur des enjeux. Nous sommes, faut-il le rappeler, face à un problème de santé publique et de sécurité sur le campus qui nécessite une solution urgente. Les travaux prévus comprennent à la fois le désamiantage et la mise en conformité des installations électriques et de la protection incendie. Les questions de sécurité se posent pendant le chantier, mais aussi dès maintenant: la sécurité incendie n'est pas actuellement assurée.

Malheureusement, la santé publique et la sécurité des occupants du campus ne sont toujours pas les priorités pour les responsables. Dès qu'un problème concret se pose, ces questions sont évacuées.

Sans réflexion préalable ni concertation, les universités ont décidé d'affecter prioritairement les préfabriqués sur le campus à l'enseignement. Dans ce choix les questions de sécurité n'ont pas été prises en compte. N'aurait-il pas été plus raisonnable d'essayer de diminuer un peu le flux d'étudiants sur le campus pendant les travaux? La question aurait au moins dû être posée. Le problème n'est pas le risque dû au désamiantage lui-même, mais le risque inhérent à la présence d'un chantier important: le choix qui a été fait augmente le flux d'étudiants à l'endroit où se trouveront des installations de chantier.
Entre les inconvénients liés à des déplacements provisoires d'enseignements et des problèmes de sécurité que faut-il choisir? Pour apprécier la place habituellement réservée à la sécurité par nos présidences universités, il suffit de regarder la situation actuelle. Alors que les débuts d'incendie se multiplient, à cause notamment de la vétusté des installations électriques, les règles élémentaires de sécurité ne sont pas respectées, engendrant un risque considérable. Bibliothèques dont toutes les issues de secours sont condamnées, alors que certaines accueillent plusieurs centaines d'étudiants. Couloirs ou demi-couloirs dont une extrêmité est condamnée. Dans ces cas ce n'est pas le bâtiment qui est en cause, mais son utilisation: on fait passer la sécurité des biens avant la sécurité des personnes (alors que des solutions simples permettraient de concilier les deux).